Passeuses d’humanité
A l’écran, Patrick ne trouve pas de mots pour décrire l’immense poids qui s’est envolé lors de son arrivée au CADA de Brou-sur-Chantereine au début des années 2000.
Il avait quitté le Rwanda avec ses parents et l’installation dans ce centre d’accueil des demandeurs d’asile lui a permis de se sentir de nouveau enfant. Ce témoignage est décliné de mille façons par Les enfants du CADA, titre du dernier documentaire réalisé par Anne Kunvari et monté par Idit Bloch.
Joyeux, tendres, drôles mais aussi émouvants et poignants, les récits croisés des quatre familles rencontrées par Anne à l’occasion des 20 ans du CADA tissent une politique de l’accueil où la dignité d’humain.e.s qui sont nos semblables est au fondement. “Bien accueillir, ce n’est pas compliqué”, dit Bénédicte, la directrice du CADA devant les manifestations d’admiration des spectateurs et spectatrices. Sylvie, un autre pilier du centre, hoche la tête. Leurs deux jeunes collègues rayonnent également : l’un d’elles, venue du monde du design automobile, a préféré changer pour “un métier qui a du sens”. Au-delà de l’indispensable accompagnement des migrant.e.s pour les démarches administratifs pour leur permettre d’obtenir un statut de réfugié auprès de l’OFPRA, elles animent des ateliers autour d’un jardin partagé ou du compostage.
“Les filles du CADA”, passeuses d’humanité en toute simplicité, nous ont expliqué le fonctionnement d’un CADA : accueillant 70 personnes maximum, la structure est financée par l’Etat, sous la tutelle du ministère de l’Intérieur. Les exilé.e.s y sont accueilli.e.s le temps de la procédure et ils doivent quitter les lieux immédiatement s’ils sont débouté.e.s. Un moment difficile pudiquement évoqué par l’équipe du CADA de Brou-sur-Chantereine.
Les moyens ont diminué, deux postes ont été supprimés mais l’engagement se poursuit et Bénédicte souligne l’apport très bénéfique des bénévoles qui permettent une meilleure connaissance du lieu sur le territoire. Les filles du CADA ont le sourire, elles puisent leur énergie dans la richesse des échanges que leur centre favorise.
La projection a été suivie d’un passionnant échange avec les participants à la projection. La présence de Denis, un jeune arrivé d’ex-Yougoslavie à 6 ans, après une errance d’un an aux Pays-Bas, aujourd’hui un magnifique jeune homme sensible et cultivé, a particulièrement ému le public. Oui, l’accueil fait du bien à tout le monde !
Photographies © Pierre-Emmanuel Charon